LA DÉCENTRALISATION
AU QUÉBEC
La première chose que je
conseillerais à des gens du PQ qui veulent penser sérieusement à la
décentralisation, c’est de lire le texte de René Lévesque en annexe à Libérer
les Québecs.
« Il est urgent de réviser la répartition des
pouvoirs dans notre collectivité pour rapprocher
des citoyens les pouvoirs de décision… »
Pour ceux qui n’ont pas le temps
de tout lire, leur rappeler que pour le fondateur du PQ :
« La décentralisation est un vaste
pouvoir collectif qui renouvelle la façon de vivre en société…c’est une conception démocratique de l’organisation
sociale et politique…c’est un
acte de confiance envers les individus et un appel à leur créativité…c’est l’assise de solidarités
nouvelles tant au niveau des milieux de vie quotidiens
que dans la définition et l’organisation de services communautaires…c’est l’occasion d’affermir la confiance des
citoyens dans leurs institutions, c’est une nouvelle
façon de vivre en société … »
Par ailleurs, monsieur Lévesque
détestait le mot « décentralisation » qui est une invention
technocratique, et préférait parler de « démocratie régionale et
locale ».
Question l :
Oui.
Devant la Commission nationale
sur l’avenir du Québec, les citoyens ont parfaitement défini la décentralisation :
« le citoyen constitue le pivot de la
décentralisation;
les citoyennes et les
citoyens élisent leurs représentants au suffrage universel et ces derniers répondent de leurs décisions
devant l’ensemble de la population dont ils tiennent
leur mandat;
les nouvelles
instances décentralisées doivent se voir reconnaître l’autonomie la plus large possible et la maîtrise d’œuvre de
leur développement dans leurs domaines respectifs
de responsabilité;
les pouvoirs régionaux
se dotent des ressources financières et fiscales adéquates et proportionnelles aux nouvelles
responsabilités qui leur sont dévolues;
il faut faire en sorte
que la responsabilité d’un service public soit confiée au palier de gouvernement le mieux placé pour le
fournir à meilleur coût à la population ».
(Rapport de la
Commission nationale sur l’avenir du Québec, 1995, page 33)
On se fourvoie depuis plus de
cinquante ans sur la décentralisation
parce qu’on s’attend à ce que son contenu soit défini par les partis
politiques, les gouvernements, les administrations, les maires, etc
On n’y arrivera que la journée où
on acceptera d’admettre qu’il s’agit plutôt d’une affaire
DE
CITOYENS,
DE SUFFRAGE UNIVERSEL,
DE GOUVERNEMENTS
RÉGIONAUX
Dans ce sens, le comité du PQ se
fourvoie à son tour par ses questions.
Il ne s’agit pas de définir pour
eux ce que les citoyens veulent ou devraient avoir.
Il s’agit d’établir le cadre où
les citoyens décident.
En démocratie, les citoyens
décident.
Les décisions sont assumées par des
gouvernements.
Ce qu’il faut faire, c’est
d’établir des gouvernements régionaux sur des territoires précis,
où les citoyens, dans le cadre
normal d’une compétition entre partis politiques, prendront leurs décisions
chez eux.
Donner des réponses générales à
des questions générales, comme l’y incite le questionnaire du PQ, c’est :
* se substituer aux citoyens
* postuler que chaque région veut avoir
les mêmes pouvoirs (ce qui est la contradiction
même de la décentralisation)
* retarder encore indéfiniment l’arrivée
de la décentralisation
* continuer à en faire une question
administrative plutôt que politique.
Le questionnaire perpétue
l’erreur qu’on fait depuis toujours. Au
lieu d’être une occasion où on se concentre sur « les pouvoirs des citoyens »,
il s’arrête beaucoup sur des « structures », des « aménagements
de responsabilités ». La question
n’est pas de savoir ce que veulent les maires, les préfets, les CRE, les
municipalités ni les partis politiques.
La question est de savoir ce que veulent les citoyens. Et il n’y a pas de grand mystère
là-dedans. Depuis des années, les
citoyens se présentent devant les commissions comme Bélanger/Campeau, ou comme
celles nationale et régionales sur l’avenir du Québec; ils se font entendre à
l’occasion de livres blancs ou verts (Picotte, Gendron, Chevrette, etc.) et
disent très clairement la même chose, soit ce qui est exprimé par le Rapport
sur l’avenir du Québec, tel que cité plus haut.
* * *
Dans le même esprit, les réponses
que je donnerai aux questions sont des réponses personnelles. Ce sont des avis donnés en tant que citoyen. Ce que j’attends de beaucoup plus fondamental,
c’est un gouvernement régional où je participerai à prendre des décisions.
Question 2 :
Oui à la première option.
« une structure territoriale
consolidatrice », en démocratie, ça s’appelle un « gouvernement
régional ».
Question 3 :
Remplacer « entre les
municipalités traditionnelles et l’État » par « entre les citoyens de
chaque région et l’État ».
Question 4 :
a) on n’accorde pas des « responsabilités publiques »
à des régions administratives, justement
parce quelles sont administratives. Il
faut que les régions administratives (avec
aménagement si nécessaire) deviennent des régions politiques (donc avec élections au suffrage universel)
b) les MRC sont un rassemblement de maires. Si cette structure doit rester puisqu’elle semble assez bien implantée maintenant, il
faut largement agrandir les pouvoirs du préfet
en l’élisant au suffrage universel. Les
maires n’ont pas reçu des citoyens la légitimité
de prendre des décisions régionales.
c) il me semble évident que les municipalités ont besoin de
plus de pouvoirs et plus de moyens
mais je n’y connais pas assez pour faire des propositions concrètes.
d) oui, à des gouvernements régionaux.
Question 5 :
De façon générale, je
souhaiterais que l’éducation primaire et secondaire soit sous la responsabilité
des municipalités (avec abolition des commissions scolaires) et que l’éducation
collégiale et universitaire soit sous responsabilité régionale. À l’État québécois doit rester un certain
contrôle sur la coordination et la qualité de l’ensemble (exemple : des
exigences centrales uniformes aux examens finaux).
Comme dit René Lévesque :
Le
rôle de l’État à Québec, c’est d’être « un lieu de convergence des aspirations collectives
et un outil d’orchestration des grands objectifs sociaux, culturels et économiques du pays… »
Question 6 :
Oui, en attendant des
gouvernements régionaux.
Question 7 :
Oui, férocement!
Question 8 :
En élisant des gouvernements
régionaux d’une part.
D’autre part, en faisant élire
les députés de l’Assemblée nationale par représentations proportionnelle comme
le souhaitait ardemment René Lévesque.
« La plus grande déconvenue de René Lévesque
au caucus lui vint de l’avortement de son
projet concernant la représentation proportionnelle… Il croyait en l’absolue nécessité de ce mode de représentation
électorale… Ce fut là pour René
Lévesque, démocrate, une déception
amère ».
Jérôme Proulx. René Lévesque : l’homme, la nation,
la démocratie ». Presses de l’Université du Québec, 1992, page
137. (Jérôme Proulx était député du PQ
pour Saint Jean et présent au
caucus qui a torpillé le projet Lévesque).
Question 9 :
La démocratie, ce n’est pas quand
les citoyens « participent », c’est quand les citoyens
« décident ». La participation
est une forme d’entraînement de la décision, mais c’est la décision qui est la
base de l’affaire.
Question 10 :
S’il y avait des gouvernements
régionaux élus au suffrage universel, il est fort possible que le poste actuel
de préfet serait inutile. Mais aussi
longtemps qu’on le conserve, la démocratie exige qu’il soit élu.
Question 11 :
Même réponse qu’à 10.
Question 12 :
Pas facile pour moi de donner une
réponse complète.
Faudrait d’abord leur laisser les
revenus qu’ils génèrent eux-mêmes déjà : redevances de ressources
naturelles, au moins une partie des taxes aux compagnies en région, permis de
toutes sortes, etc.
Par la suite, comme pour tout gouvernement,
c’est l’élection de gouvernements régionaux et donc l’option que font les
citoyens pour certaines priorités plutôt que d’autres qui devraient être la
base sur laquelle des revenus actuellement à Québec doivent être transférés. On peut penser à un budget de démarrage, mais
c’est la dynamique de chaque région qui déterminera les besoins financiers.
Question 13 :
La question équivaut à
dire : « quels sont les dangers ou les limites de la
démocratie? ». Bien sûr on peut en
voir, mais ils sont inférieurs à ceux découlant de décisions prises hors de la
portée des citoyens ou même contre les intérêts des citoyens.
Question 14 :
Il ne faut pas tenter de
« faire progresser le principe de la décentralisation politique au sein de
l’appareil administratif du Québec ».
Il s’agit d’une question politique et non pas administrative. La haute fonction publique est un des ennemis
traditionnels les plus acharnés de la décentralisation. C’est aux élus à Québec de mettre
l’administration publique au service des citoyens.
Pour ce qui est de
« l’appareil politique du Québec », si les élus n’arrivent pas à
comprendre par eux-mêmes, comme ils le font depuis 1960, le meilleur moyen est
de leur mettre les citoyens aux trousses!
C’est justement ce à quoi s’occupe la Coalition pour un Québec des
régionaux.
(il serait intéressant pour les
gens du PQ de prendre note que l’ADQ, dans son programme officiel, préconise
des gouvernements régionaux élus au suffrage universel), le seul parti à date à
s’aligner sur l’essentiel (reste à voir bien entendu s’ils y croient!)
Question 15 :
Si on parle d’institutions
nationales québécoises, un bon moyen serait d’examiner l’idée lancée par la
Coalition pour un Québec des régions d’une seconde chambre, Conseil des
régions, avec membres élus au suffrage universel et idéalement avec
représentation égale des régions.
Un mot en conclusion
Comme le dit souvent Claude Béland , le Québec n’a pas des régions, le
Québec, c’est des régions. Bâtir les
régions, c’est bâtir le Québec. Les gens
sur le terrain sont froids devant le projet du PQ, et de plus en plus, parce qu’il apparaît comme un projet de se
donner un État souverain alors qu’en démocratie, l’État souverain est l’effet
de la souveraineté populaire et non pas l’organisation d’un certain nombre de
structures et d’aménagements. Le PQ
demande au monde de miser sur lui. Il
fait fausse route. Il faut que le PQ
mise sur les citoyens. Or les citoyens
ne sont pas que « nationaux », ils sont aussi, dans leur vie
quotidienne, « municipaux » et « régionaux ».
En somme, « libérer les
Québecs », c’est un pas nécessaire vers « libérer le Québec »
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