Guide pour les communautés
locales ou régionales
qui veulent se doter d'une
constitution.
L'idée d'inciter les communautés territoriales locales et
régionales à se doter d'une constitution locale ou régionale, issue de la
volonté populaire, est nouvelle et il importe de bien la comprendre.
1. Pourquoi des constitutions régionales et locales?
Dans un premier temps, les communautés territoriales
désireuses de se doter d'une constitution doivent être en mesure d'expliquer à
leur population l'intérêt et le bien-fondé d'une telle démarche. Un comité
provisoire, issu des citoyens ou des élus, devrait se charger de faire ce
travail d'information et de mobilisation.
Une constitution est une sorte de contrat social que se donne
une collectivité dans le but de se constituer comme communauté politique
démocratique. Elle est l'expression fondatrice de la souveraineté du peuple qui
s'enracine dans les communautés de base avant de s'exprimer au niveau de l'État
national.
Nos démocraties occidentales nous ont habitués à penser que
la souveraineté du peuple s'incarne d'abord dans l'État et donc, dans la
constitution de l'État, et que la rédaction d'une constitution est d'abord
l'affaire des politiciens élus et de leurs experts. Nos démocraties de
représentation sont ainsi devenues des sortes de monarchies ou d'oligarchies
électives, dans lesquelles le pouvoir est centralisé et s'exerce à partir
du sommet de la pyramide. Les
communautés régionales et locales et
leurs instances de gouvernement, particulièrement dans le régime britannique
dont nous avons hérité, sont considérées comme des créatures soumises à l'État,
des créatures de l'État, ou au mieux, des partenaires de l'État, sans autonomie
réelle, donc, sans identité politique et démocratique.
Mais la souveraineté, qui fonde l'idée même de république et
de démocratie, réside dans le peuple et c'est au peuple qu'il appartient de
dicter la constitution qui définit sa vie et son projet collectif. La
Déclaration universelle des droits de l'homme est claire : la volonté du
peuple est le fondement de toute autorité (article 21). Les constitutions
nationales, pour jouer leur rôle
d'expression de la souveraineté et la volonté du peuple et agir comme
protection contre les abus du peuple, doivent être issues et validées par le
peuple. Dans le même esprit, les communautés de base, locales et régionales,
ont tout intérêt à exprimer leur souveraineté dans des constitutions locales et
régionales qui les « constituent » en tant qu'entité politique et
définissent la façon dont ils souhaitent participer aux décisions collectives
qui les concernent et à la vie de la nation et de l'État national.
Dans beaucoup de pays, où il existe une décentralisation
réelle du pouvoir, les collectivités régionales et locales sont justement
conçues comme des entités politiques autonomes et se dotent de constitutions
locales ou régionales. C'est le cas pour les états américains, les cantons
suisses, les provinces australiennes, les landers allemands notamment.
L'emprise de l'État central est un phénomène relativement
récent. Pendant longtemps, au Québec en particulier, les communautés
villageoises ont été la base de la vie collective. Les municipalités n'ont été
créées au Québec qu'à la fin du XIXème siècle et c'est la Révolution tranquille
qui a doté le Québec d'un État fortement centralisé. De nos jours, la
mondialisation tend à abolir les frontières nationales et régionales au profit
du libre marché, réduisant du même coup l'importance des collectivités locales
et régionales. Également, nos gouvernements, sous la coupe des banquiers, au
nom de la rigueur et du contrôle budgétaire, ont tendance à sabrer dans les
structures régionales et locales et leur autonomie. Mais la perspective de plus
en plus présente d'une société post-pétrole, post-extractivisme et
post-capitaliste nous invite, à l'inverse, à privilégier une démocratie et une
économie de proximité dans laquelle les communautés locales et régionales sont
appelées à jouer de nouveau un rôle de premier plan.
Dans ce contexte, la rédaction et l'adoption d'une
constitution par une communauté régionale et locale peut devenir l'occasion
pour cette communauté de redécouvrir sa souveraineté populaire et de se
redéfinir comme collectivité démocratique autonome.
2. Régions, municipalités régionales et communautés
métropolitaines.
L'exercice constituant dans les communautés territoriales
doit forcément se coller au découpage territorial en vigueur dans les
structures et les instances territoriales, ce qui n'est pas sans poser certains
problèmes dont on devra tenir compte.réel des communautés.
Les 1100 municipalités que compte le Québec sont l'héritage
de son passé paysan. Depuis les années soixante, le territoire québécois et ses
communautés se sont progressivement structurées, en fonction de la vie moderne,
en 17 régions administratives et 95 Municipalités régionales (dont 14 sont des
villes-MRC : Saguenay, Québec, Trois-Rivières, Shawinigan, La Tuque,
Sherbrooke, Longueuil, Montréal, Gatineau, Rouyn-Noranda, Iles-de-la-Madeleine,
Lévis, Laval, Mirabel).
Les régions et les MRC, surtout en périphérie, sont désormais
des territoires d'appartenance bien implantés dans l'ensemble. Toutefois une
mise à jour des frontières seraient souhaitables dans plusieurs cas, sans
parler d'une réorganisation des municipalités locales de moins de 1000
habitants (plus de 500). Cette réorganisation territoriale est particulièrement
souhaitable dans les grandes zones urbaines. Dans beaucoup de pays, l'Italie
notamment, les communautés métropolitaines constituent un découpage territorial
distinct des régions.
Le problème se pose particulièrement pour la communauté
métropolitaine de Montréal qui, présentement, est constituée de la région de
Montréal (l'Île de Montréal), de la région de Laval (l'Île de Laval) et d'une
partie des régions de la Montérégie, des Laurentides et de Lanaudière (les
couronnes). Ces trois régions limitrophes se trouvent ainsi désarticulées comme
entités entre leur territoire en voie d'urbanisation et leur territoire rural.
À ce démembrement dans la communauté métropolitaine de Montréal s'ajoute le
découpage des MRC (12) qui vient souvent se superposer comme une structure administrative plutôt que communautaire comme
il l'est dans les autres régions. Un processus constituant dans ces régions,
dans les conditions actuelles, apparaît donc difficile. La distinction entre le
local et le régional n'y est pas évidente.
La région de la Capitale nationale est plus homogène comme
région, sauf dans ses pourtours éloignés (Portneuf, Charlevoix-est), pour les 3
MRC partiellement incluses, et pour ce qui est de la ville voisine de Lévis,
qui vampirise la grande région peu homogène de Chaudière-Appalaches.
Ailleurs, la région et les municipalités régionales
représentent maintenant des territoires d'appartenances bien définis, qui
pourraient devenir des territoires vivants de vie démocratique s'ils
s'engageaient dans un processus constituant citoyen. Ce faisant, ils pourraient
donner le signal d'une véritable décentralisation du pouvoir et d'une relance
de la vie démocratique et de la participation des citoyens et des communautés
de base aux décisions collectives.
3. Miser sur la souveraineté locale et régionale.
Cet exercice constituant au niveau local et régional peut
sembler à beaucoup une fantaisie futile qui n'a pas de fondement dans notre
législation et risquerait de n'avoir, en fin de compte, aucune portée réelle.
Pourtant, la Loi sur les cités et villes, le Code municipal,
la Loi sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire, la Loi pour assurer
l'occupation des territoires, la Loi sur les élections et référendums dans les
municipalités et la Loi sur le ministère des Affaires municipales, des Régions
et l'occupation du territoire, bien que récemment modifiées par l'abolition des
Conférences régionales des Élus et des Centres locaux de développement, et bien
qu'elles ne constituent pas une véritable décentralisation des pouvoirs,
confèrent tout de même un statut politique non négligeable aux municipalités
locales et régionales.
Pour fonder cette reconquête de leur pleine souveraineté, les
communautés locales et régionales peuvent donc miser sur un acquis : la
souveraineté municipale.
Sans doute celle-ci n'est-elle pas très élaborée dans le Code
municipal, mais elle existe et il n'est pas interdit d'aller plus loin que ce
qui est strictement prescrit dans la prise en charge du milieu et la
participation des citoyens aux décisions.
Le mandat municipal, défini dans des lois à valeur quasi
constitutionnelle, est d'assurer les services de proximité (municipalité
locale), l'aménagement du territoire et la vie communautaire (municipalité
régionale), et il s'accompagne d'un pouvoir de taxation autonome. En
construisant ensemble sur cette base, les municipalités et les régions qui les
réunissent pourraient élargir considérablement leur espace d'autonomie et leur
légitimité démocratique, commencer à s'extirper du carcan de dépendance qui les
tue lentement depuis 60 ans et prendre en charge véritablement le développement
et la vie démocratique de leur communauté au lieu de tout laisser entre les
mains de fonctionnaires centralisateurs.
4. Un processus constituant citoyen
La rédaction d'une constitution régionale et locale doit être
conçue comme un chantier collectif qui permet à la communauté de s'informer, de
s'exprimer, de délibérer et de décider sur ce qu'elle est et veut être comme
collectivité. Le vide créé par le démantèlement récent de plusieurs structures
régionales et locales par le gouvernement Couillard et le chaos qu'il risque
d'engendrer au cours des prochaines années fournit une bonne occasion pour
cette reprise en mains, tout comme la désaffection croissante face aux
politiciens et aux partis politiques.
La constitution régionale ou locale doit être le résultat
d'une démarche qui implique le plus grand nombre de citoyens possible, par tous
les moyens modernes possibles. En un sens, le but est de refaire des
consommateurs individuels que beaucoup sont devenus, des citoyens qui se sentent
partie prenante de la vie de leur communauté. Il est essentiel qu'une
constitution locale ou régionale soit le résultat consensuel d'un processus qui
implique l'ensemble de la communauté et non quelques élus et quelques
représentants de la société civile, soumis ensuite à une consultation-bidon,
comme c'est malheureusement le cas de la plupart des plans d'aménagement ou
règlements divers en ce moment dans les diverses instances locales et
régionales.
Une assemblée constituante citoyenne, sur le modèle de celle
qui est proposée présentement par les promoteurs d'un processus constituant
pour le Québec, pourrait agir comme comité ou commission dont le mandat serait
d'organiser la consultation et la participation des citoyens, et de proposer
ensuite un texte de constitution pour discussion et adoption.
L'instance municipale concernée devrait convoquer cette
assemblée constituante et en garantir le bon fonctionnement et l'indépendance.
Le mandat de cette assemblée constituante sera de consulter la communauté,
d'organiser l'information et les délibérations pour finalement proposer un
texte de constitution qui soit soumis à l'approbation de la population
concernée par référendum.
Pour faciliter la mise en marche du processus, le président
de cette assemblée constituante pourrait être désigné par les élus, sinon
l'assemblée le désignera elle-même. Mais il est souhaitable que les membres
d'une telle assemblée soient désignés par un processus qui assure à tous un
égal droit de parole et de participation, et garantit à l'assemblée un indépendance totale face à tout groupe d'intérêt et toute possibilité de
noyautage. Leur nombre doit être limité mais suffisant pour assurer une
représentation adéquate du territoire et de la population. On convient
généralement que seul le tirage au sort est en mesure d'assurer adéquatement
cette neutralité et cette représentation.
Ce tirage au sort peut prendre diverses formes :
-On peut, à partir de la liste électorale, tirer au sort des
noms et retenir le nombre requis de ceux qui acceptent volontairement de faire
partie de l'assemblée constituante;
-ou, on peut faire le tirage au sort à partir d'une liste
de personnes qui se sont portées
volontaires pour remplir la fonction;
-ou, on peut soumettre au vote une liste de personnes tirées
au sort et ayant accepté le rôle , et retenir les personnes ayant obtenu le
plus de votes (méthode islandaise);
-on peut, à la rigueur, réserver quelques sièges destinés à
des élus ou des groupes importants de la société civile.
-Quelque soit la méthode, le résultat final doit présenter
une bonne représentation du territoire et de la composition de la population.
Il va de soi que les élus municipaux doivent assurer aux
membres de l'assemblée constituante un minimum de moyens techniques et financiers
pour mener leur travail de consultation, faire appel à des personnes-ressources
et finalement rédiger un projet de constitution et le soumettre à la
population, d'abord pour l'amender si on le juge nécessaire, et finalement pour
en disposer par référendum.
5. Les grandes lignes d'une constitution régionale ou
locale
a) Le préambule : une définition de la communauté
locale ou régionale.
Le préambule d'une constitution contient généralement le
rappel de l'identité de la collectivité concernée et les objectifs que poursuit
la refondation de la communauté que propose le texte de constitution.
Chaque communauté locale ou régionale a une identité, un nom,
qui est le résultat de son histoire, de sa situation géographique, de ses
fondateurs et de ses bâtisseurs, de la composition de sa population, des
caractéristiques de son territoire et de son économie, etc. Les changements qui
surviennent ces dernières années dans la composition de leur population et
l'évolution de leur économie sont également très importantes.
Pour définir son projet propre de société, de vie collective
et de contribution à la collectivité nationale, il est essentiel que la
communauté identifie ses appartenances dans un premier temps. Puis, qu'elle
identifie, en fonction de l'avenir, ses points faibles et ses points forts, ses
menaces et ses atouts. Enfin, qu'elle définisse ses priorités comme
collectivité.
Beaucoup de communautés, dans le contexte des Pactes ruraux,
ont eu l'occasion, ces dernières années, de se doter de plans de développement
local qui peuvent servir de point de départ de cette démarche. Mais il faut
veiller à dépasser les clichés d'usage et les opinions reçues dans de tels cas
et prendre la peine de renouveler le portrait de la collectivité en utilisant,
au besoin, les outils de sondage familiers. Une réanimation du sentiment
d'identité et d'appartenance est essentielle à la mise en place d'un vie et
d'une culture démocratique.
Il est important, à ce chapitre, de prêter une attention
particulière à l'évolution récente de la composition des population et des
structures de l'économie locale.
b) Les caractéristiques du gouvernement local ou
régional : les principes démocratiques directeurs.
Toutes les constitutions définissent, dans un premier
chapitre, les caractéristiques générales de l'État et du gouvernement qu'ils
souhaitent : démocratie, participation des citoyens, laïcité, respect de
la diversité et des différences, autonomie, coopération, accueil, etc. C'est un
peu le credo local.
La communauté locale ou régionale peut préciser les principes
qu'elle veut voir respecter dans son gouvernement local ou régional. Voici
quelques jalons :
-le principe de la souveraineté du peuple, de l'imputabilité
des élus;
-le principe de la participation permanente des citoyens aux
décisions et de la surveillance des dirigeants par les citoyens;
-le respect des différents groupes et individus qui composent
la communauté et de leurs différences;
-la collaboration avec les communautés voisines, avec la
région et avec le gouvernement central;
-l'entraide, la collaboration, la coopération, la péréquation
entre localités et régions;
-le respect de l'environnement et des écosystèmes
particuliers au territoire concerné;
-les ressources prioritaires de la collectivité;
-le bien-vivre de tous;
-l'attention spéciale envers les enfants, les aînés, les
vulnérables et les économiquement faibles;
-l'accueil des nouveaux arrivants;
-la mise en valeur de la langue française, de la culture
locale, du patrimoine, des arts;
-la devise, le slogan, les symboles de la communauté.
-etc.
En somme, rien n'empêche les
leaders locaux et régionaux de cesser d'agir comme des sous-traitants de l'État
et de simples administrateurs, et de mobiliser leur population autour de la
recherche du bien commun de leur communauté.
c) la légitimité démocratique des instances locales et
régionales
La démocratie de participation est plus facile à appliquer au
niveau local et régional.
La constitution peut tenter d'élargir la légitimité des ses
dirigeants démocratiques. Même si ce n'est pas exigé dans les lois municipales,
rien ne les empêche, lors des élections municipales, d'élire tous les
préfets de Municipalités régionales (et leur exécutif), ni même d'élire un président
régional (et son exécutif), de façon à ce que les élus soient imputables à
leur population avant de l'être aux fonctionnaires de l'État. L'imputabilité
est la meilleure barrière contre la collusion et la corruption.
Rien n'empêche les conseils municipaux et les instances
régionales de consulter leur population régulièrement sur les vrais
enjeux plutôt que de se contenter de les ennuyer avec des réunions mensuelles
limitées à la gestion courante des services. Le code municipal prévoit des référendums
consultatifs selon un protocole moins exigeant que les quelques référendums
obligatoires prévus lors de décisions relatives aux emprunts et aux
modifications de zonage. On en fait peu usage. L'exercice serait pourtant tout
indiqué face à des projets qui affectent les citoyens, comme par exemple l'oléoduc Énergie-Est, qui
traversera plus d'une centaine de municipalités et de cours d'eau.
Rien n'empêche les élus municipaux d'instaurer des mécanismes
permanents de participation : budgets participatifs, comités de
vigilance, secrétariats à la participation citoyenne, commissions de consultation publiques (sortes
de BAPE locaux), initiatives populaires, comités de citoyens de quartier, etc.
Pour que les citoyens s'impliquent, il faut leur donner la possibilité de le
faire, et plusieurs expériences ont démontré que lorsque des élus font appel à leur
population, la réponse dépasse les attentes.
La mise en place d'un centre de vie démocratique dans
chaque communauté de base m'apparaît essentiel. Ce centre doit permettre de
faire une éducation à la vie démocratique basée sur la constitution et fournir
aux citoyens les outils techniques et informatiques pour organiser la
participation citoyenne à tous les niveaux.
d) Les champs d'intervention des instances locales et
régionales.
Les champs d'intervention
spécifiques aux municipalités locales, aux municipalités régionales et aux
régions sont assez bien définis :
-la municipalité locale a
pour mission les services de proximité;
-la municipalité régionale a
pour mission l'aménagement et la gestion du territoire, l'organisation
communautaire et les services aux municipalités locales;
-la région a pour mission la
concertation régionale, la planification des équipements régionaux et la
représentation auprès des instances gouvernementales (ministères, députés), le
développement économique et la vie démocratique de la région.
-l'agglomération métropolitaine
a pour mission la gestion des services de
l'agglomération au niveau de l'aménagement du territoire, de la population, de
l'habitation, des transports, de la sécurité, des échanges avec l'extérieur, du
développement culturel et économique.
Rien n'empêche cependant les
instances locales et régionales d'occuper le terrain, chacune à leur
niveau, dans de multiples domaines qui ne sont pas réservés aux paliers
supérieurs ou inférieurs (pouvoirs résiduels) : souveraineté alimentaire,
éducation, santé, services sociaux, environnement, échanges extérieurs,
commerce, aménagement, environnement, gestion de l'eau, etc. La Cour suprême a
ouvert la porte en ce sens en 2005 en validant le règlement de la ville de
Hudson interdisant l'utilisation des pesticides sur les pelouses. D'ailleurs,
les règlements municipaux sont valides tant qu'ils ne sont pas déclarés non
conformes. Ici encore, la participation des citoyens peut en partie suppléer au
manque de moyens.
Pour rassembler et concerter leur population, les instances
régionales peuvent aussi se doter, en plus des
schémas d'aménagement du territoire et de la zone agricole, de plans
participatifs d'autosuffisance alimentaire et d'agriculture de proximité, de développement économique participatif,
etc. Les programmes de développement régional qui se sont succédés depuis 50
ans ont failli à rebâtir des économies régionales basées sur les ressources
propres à chaque région : seule une décentralisation des pouvoirs et une
prise en charge locale et régionale, soutenue par des politiques nationales audacieuses, peut espérer y
parvenir.
Au lieu d'attendre des décrets de
fusion et de redécoupages territoriaux contestables venus d'en haut, les
instances locales et régionales peuvent aussi, de leur propre initiative, se
concerter, avec leur population, pour proposer elles-mêmes les restructurations
jugées nécessaires afin de créer des espaces démocratiques plus fonctionnels et
plus adaptés aux territoires d'activité et d'appartenance actuels. Les Caisses
populaires, les diocèses catholiques et bien d'autres organisations ont fait ce
travail : dans le cas des municipalités, dont un grand nombre sont
devenues trop peu peuplées pour s'acquitter de leurs responsabilités accrues
(plus de 500 municipalités ont moins de 1000 habitants), tout le monde à peur
de s'y attaquer. Les instances locales et régionales sont les mieux placées
pour faire ce travail en lien étroit avec leurs citoyens. Les résultats
pourront ensuite être validées par l'État central.
La culture est un facteur de
cohésion et de mobilisation sociale souvent négligé : une constitution
locale et régionale peut prévoir diverses façons de promouvoir la culture
régionale : toponymie, événements, parcs municipaux, aménagement de
sites, mise en valeur de milieux, meilleur utilisation des écoles, concours,
promotion des arts (musique, peinture, théâtre, littérature, le recyclage des
bâtiments inutilisés, etc).
e) Le financement des
instances locales et régionales
Pour financer ces gouvernement locaux et régionaux,
les élus peuvent utiliser pleinement leurs pouvoirs de taxation municipale
(foncière et autre) et négocier, avec un rapport de force accru, de nouveaux transferts de revenus avec le
gouvernement (taxe de vente, taxe sur l'essence, impôt, etc.). Beaucoup
suggèrent qu'un un impôt municipal sur le revenu, dans bien des cas, serait
plus approprié que l'impôt foncier. Le récent pacte fiscal, où les élus
municipaux se sont inclinés devant le gouvernement et les maires des grandes
villes, est un exemple lamentable du contraire.
Avec le consentement de la
population, une communauté peut décider de prélever elle-même, pour financer
ses projets, de nouvelles taxes sur l'usage du territoire, les
transports et différents services.
Plusieurs communautés font
présentement l'expérience d'une monnaie régionale pour stimuler
l'économie locale.
Les municipalités ont maintenant le
droit d'initier, seules ou en partenariat, des projets rentables (parcs
éoliens communautaires, mini-barrages, etc.) et elles peuvent, à l'exemple des
premières nations, négocier des redevances sur l'exploitation de leurs
ressources naturelles tant au niveau des compagnies privées désireuses de
s'installer qu'au niveau du partage des redevances perçues par l'État central.
On peut viser un partage des
ressources financières qui tiennent compte le plus possible de la mission
propre à chaque niveau de gouvernement :
-au niveau
de la municipalité locale: taxe foncière, péréquation, tarifs, permis et taxes
spéciales (écologiques, etc.), partage
des taxes à la consommation et revenus provenant de projets de développement
initiés par la municipalité locale ou auxquels celle-ci est partenaire;
-au niveau de la municipalité régionale :
partage des revenus municipaux, péréquation,
amendes diverses imposées par les divers services et tribunaux municipaux,
revenus provenant des projets de développements initiés par la municipalité
régionale ou auxquels celle-ci est partenaire;
-au niveau de la région :
redevances des ressources naturelles, transferts gouvernementaux, péréquation,
revenus des projets de développement initiées par l'instance régionale ou
auxquels celle-ci est partenaire;
-au niveau de l'agglomération
métropolitaine : taxes foncières et autres, revenus de permis, tarifs
et amendes, taxes à la consommation, impôts spéciaux, transferts
gouvernementaux et revenus d'entreprises publiques.
f) la vie de la constitution
Une constitution n'est pas un
carcan coulé dans le ciment...comme malheureusement la constitution canadienne.
Elle doit être une référence continuelle pour évaluer le travail des
élus, la qualité de vie et le progrès de la communauté. Elle doit faire
autorité.
En conséquence, il faut la faire
connaître, y référer partout et veiller à son application. Les États ont
généralement un tribunal ou un conseil constitutionnel qui veille sur
son application, reçoit les plaintes, émet des recommandations. Ce conseil,
dans le cas d'une constitution locale ou régionale, devrait être un conseil
composé de citoyens tirés au sort pour une durée limitée.
De plus, il faut prévoir un
mécanisme de révision et d'amendement au besoin. On pourrait exiger une
processus de révision générale aux 5 ans, par une nouvelle assemblée
constituante. On doit aussi prévoir un mécanisme d'amendement sous forme
d'initiative populaire ou de proposition des élus soumise au référendum, si
elles reçoivent un nombre d'appuis
suffisant.
Roméo Bouchard
Saint-Germain-de-Kamouraska
25 janvier 2016
romeobouchard@hotmail.ca
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