jeudi 28 octobre 2010

Entrevue avec Serge Mongeau, pour le Col Blanc, 1ere partie

-          Vous avez écrit: Peu de gens lisent ce qui concerne l’être. Pouvez-vous commenter?
 étant des gens qui ont un apport à faire à la  collectivité. C’est une partie essentielle de l’être humain qui disparaît de plus en plus; on est chacun dans la bulle.
-          Une vraie communication  humaine se fait  en face. On peut se voir, voir les réactions de l’autre, on peut se toucher, ressentir les émotions. Les instruments de communications ne le font pas très b
o   On est effectivement dans une société utilitariste, où quand on veut se renseigner on cherche des choses concrètes; je pense qu’on est dans une société où on ne réfléchit pas assez. C’est dans cette optique là qu’on a lancé les Éditions Écosociété, en disant : si on veut changer les choses, il faut d’abord comprendre comment elles sont arrivées, qu’est-ce qui les expliquent, qu’est-ce qui nous mène à  tels comportements,  pour qu’on change vraiment sa pensée d’abord. Je me rends compte qu’on est dans une société où on est choyés, où on ne veut pas remettre en question les choses même si elles vont nous remettre en questions. La situation est en train d’évoluer de telle façon qu’on ne pourra pas continuer à béatement  consommer comme nous le faisons actuellement. Si on réfléchissait à notre consommation ,  on se rendrait compte que, déjà et depuis longtemps, elle n’a aucun sens parce qu’elle se fonde sur une exploitation d’une partie de la planète qui, elle, ne consomme même pas pour satisfaire ses besoins essentiels de base de survie. Notre surconsommation industrialisée repose sur l’exploitation de ce monde-là. De plus la crise environnementale qui se précise de plus en plus nous montre qu’on ne peut plus continuer comme ça car nous consommons 30% de la capacité de la planète. Nous mangeons notre capital social. Nous continuons  à augmenter cette consommation et ce sera bientôt 50%;  ce ne peut durer indéfiniment .  La mer se vide de poissons, des espèces disparaissent; ce ne peut aller en s’améliorant si on ne change pas des choses fondamentales.
-          J’ai remarqué que dans vos écrits, vous avez en estime l’intelligence, la réflexion, la créativité, la conscience, vous les valorisez, ce qui es rare.
               J’ai toujours dit que ce qui nous distingue dans la nature, c’est la conscience. Il y             
               a de la vie dans les  autres règnes, mais on a la conscience qu’il n’ont pas. Il
               faudrait en faire profiter la planète. Comprendre et agir en conséquences.

-          Comment s’est fait le passage de la simplicité volontaire à la décroissance conviviale?
               La simplicité volontaire est arrivée par une préoccupation au sujet de la santé     tandis que la décroissance conviviale est arrivée par une préoccupation écologique.  Je réalisais que si l’on veut vivre en santé, il faudrait vivre selon les conditions  pour lesquelles nos organismes ont té faits, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. On ne mange pas comme on devrait manger, on ne fait pas travailler nos corps comme il devraient travailler et ce pour quoi ils ont été faits. Ce qui nous a permis de survivre dans l’histoire  finalement , c’est quand même qu’ on avait des corps qui étaient faits  de telle façon, mais aujourd’hui les conditions ont tellement changé qu’on n’a plus besoin de vivre de la même façon,  mais en même temps on se rend compte qu’ on commence à être malades  parce que on ne répond pas aux besoins essentiels.  Donc, je me suis rendu compte qu’on devrait vivre autrement si l’on veut vivre en santé et cet autrement c’est la simplicité volontaire. Arrêter d’avoir des machines qui font tout pour nous autres et donc qui font qu’on travaille de moins en moins physiquement alors que nous avons besoin de travailler physiquement pour bien développer notre corpst et le faire fonctionner comme il faut. La dimension écologie s’est rajoutée plus tard pour moi. Il y avait des signaux d’alarme indiquant qu’on ne peut plus continuer comme ça. Il était évident que nous devrions moins consommer. Mais la simplicité volontaire est un mouvement individuel. La personne se rend compte qu’elle devrait changer des choses dans sa vie et elle commence à changer ses comportements, mais on se rend compte que c’est difficile à faire dans notre société parce que nous sommes de plus en plus dépendants de diverses technologies, nous sommes influencés par cette publicité omniprésente, et par la mode. Donc notre société nous amène à adopter des comportements qui sont nocifs pour notre santé et qui vont de pair avec la consommation. Il faut bien se rendre compte que même si l’idée de la simplicité volontaire fait son chemin, d’autre part, l’idée de la consommation  progresse aussi de plus en plus. On nous la facilite de plus en plus et dans le monde il y a de plus en plus de gens qui aspirent à consommer comme nous… et donc c’est un combat inégal. Il est alors évident que pour l’environnement , les gestes de simplicité volontaire arrivent trop tard, sont insuffisants pour régler les problèmes. Il faut faire autre chose. C’est une remise en question complète de notre société qui est actuellement fondée sur la croissance économique. Il faut qu’on cesse cette accumulation de biens, cette surconsommation et refonder notre société sur d’autres bases que celles  sur lesquelles elle est maintenant fondée.
        Je n’ai pas inventé ça.  Comme je lis pas mal, j’ai vu qu’on commençait à parler de décroissance en Europe en particulier. Je suis alors retourné à mes vieux livres et j’ai constaté que ces idées d’aujourd’hui, on les voyait dans les années 1970 avec Herman Daily, avec Illich, Pierre Rabhi , René Dumont, et bien d’autres qui remettaient en question notre société de consommation . Ce que moi je découvre dans la décroissance aussi, c’est que la remise en question n’est pas seulement pour l’avenir de la planète. Notre société avec ses artefacts actuels nous amène à perdre notre nature humaine. On est des gens sous influence qui n’ont plus de pensée propre, qui sont pris dans un système qu’on contrôle de moins en moins,  et qui deviennent des demi-humains qui n’utilisent pas leurs facultés, leur conscience, qui sont diminués,  je crois.

J’ai lu votre livre sur votre expérience du Chili. C’est de là que vient votre désir de réformer la société?
      Tous les événements que j’ai vécus m’ont amené à ça. Quand j’étais étudiant en médecine à l’Université de Montréal,  on a lancé le mouvement des Chantiers de Montréal, qui travaillaient avec les milieux les plus défavorisés de Montréal.Déjà à ce moment –là, on avait la volonté de changer la société et de faire en sorte qu’il y ait moins d’injustices et un meilleur partage. Je comprends qu’on n’avance pas beaucoup, la situation ne s’améliore pas tant que ça.

Ce que vous souhaitez, c’est plus de liens, l’augmentation de la générosité, moins de matériel?
C’est ça.  Je pense que notre société de consommation repose sur le fait que nous sommes des individualistes et elle tend à nous rendre de plus en plus individualistes et à faire que, lorsque tu as besoin de quelque chose tu sais que tu as besoin d’argent et tu te l’achètes tout simplement. Ce n’est pas ça une société humaine, Les humains sont des êtres sociaux qui ont besoin de contacts, d’échanger avec les autres, de partager, de donner un sens à leur vie, d’être acceptés dans leur milieu parce qu’il sont reconnus comme ien. Par exemple , une téléconférence que j’ai faite en France pour économiser du transport, a été ardue pour moi car je ne savais pas comment les gens réagissaient. Je parlais seul à une caméra. Une conférence, c’est humain, il y a un passage avec ton auditoire. Il aurait mieux fallu qu’ils prennent quelqu’un de là-bas.

Dans votre chapître du livre l’ « Objecteur de croissance », vous y parlez de la maison de la santé. Qu’est-ce?
Moi, ce que je souhaiterais, ce serait qu’il y ait dans chaque quartier, un endroit où on se préoccupe de la santé des gens avec des conseil et des instruments pour être capables de se prendre en charge. Par exemple un bon centre de documentation, un centre   pour donner des cours. Comment  contrôler l’hypertension artérielle avec le moins possible de médicaments. Regrouper les gens qui ont la même maladie pour qu’ils s’entraident, qu’ils  partagent leurs connaissances. Il y pourrait y avoir ce que moi j’appelle des «  conseillers de santé », qui aideraient les gens à voir ce qui ne va pas dans leur vie et qui les amène à être malades. Les maladies chroniques se préparent de longue date. Dès l’apparition de symptômes, -  et si possible avant - ,  la vraie prévention  serait de se dire : qu’est-ce qui, dans ma vie fait que je m’en vais vers une maladie? C’est aussi d’aider les gens à être en santé Si leur organisme fonctionne bien, s’il est en santé  et  s’il reçoit ce dont il a besoin,  va bien s’occuper lors d’un possible  débalancement qui se traduit par une maladie, et rétablir les bonnes conditions.
Est-que vous voyez une Maison de la santé dans un quartier en transition dans le cadre des Villes en transition?
C’est une des actions des Villes en transition. C’est de récupérer les savoirs traditionnels et partout où ça avance un peu, après avoir travaillé sur l’alimentation, sur les déplacements, on arrive vite à la question : comment prendre sa santé en charge plutôt que d’être dépendants de toute la technologie moderne.
Est-ce que votre proposition également dans ce livre d’un Conseil des sages a été réalisée?
Non. J’ai écrit plusieurs livres. Je ne m’attends pas à ce que ce soit tout adopté. Ça fait longtemps que les choses auraient changé si on lisait mes livres et si on adoptait les choses que j’ai écrites. Donc il faut les répéter constamment. Les gens ne veulent pas savoir et ne veulent pas chercher. Les livres où on essaie de trouver les solutions pour améliorer la société ne sont pas les plus populaires.
Pourquoi ne veulent –t-ils pas savoir?
Parce qu’ils sont essentiellement paresseux. On ne change pas si on n’a pas besoin de changer, ils se disent. On ne voit pas les conséquences de ce qui nous facilite la vie. Par exemple,  le fast food, c’est facile, on n’a qu’a payer, mais les gens ne voient pas les conséquences sur leur santé.
La notion de « retraite progressive », est-ce qu’il y a eu des progrès?
Moi je ne vois pas beaucoup de choses qui changent. On recule de ce côté-là.  Avant notre actuelle crise économique où on produit moins, on disait que 20% des Canadiens travaillaient 50hres par semaine ou plus et que c’était en augmentation constante. On force les gens à travailler plus longtemps et plus intensément. Ce qui était proposé dans les livres de 1970 ne s’est pas arrangé et au contraire, ça empire.
Ça  contredit l’esprit d’une politique du temps libéré ou du revenu de citoyenneté n’est-ce pas?
Il faut qu’on comprenne qu’à la base de notre société et de ce qui va pas, c’est cette éthique de produire toujours plus et qu’il faut qu’on travaille plus pour produire plus. Moi je pense que si on veut changer la société, un des secteurs où il va falloir qu’on travaille le plus c’est le secteur du travail. Cesser de vouloir  être si productifs et  faire que le travail retrouve son sens. Actuellement, le sens du travail, c’est la paie qui leur permet de consommer après. Le travail devrait être une activité valorisante, une activité  qui permet de développer notre créativité, une activité dans une lieu de socialisation. Ce n’est pas ce qui se passe actuellement.

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