mercredi 18 février 2015

Une économie du temps retrouvé.

La véritable richesse. Une économie du temps retrouvé

La véritable richesse. Une économie du temps retrouvé, par Juliet B. Schor, préface de Dominique Méda
Ed. Charles-Léopold Mayer, Institut Veblen, 2013, 260 p., 20 euros.

Denis Clerc
Alternatives Economiques n° 324 - mai 2013
Economiste et sociologue reconnue aux Etats-Unis, Juliet Schor laboure depuis longtemps la question du rôle et de la place de l'économie dans la société. Dans ce livre, elle synthétise et approfondit brillamment un certain nombre de ses analyses. L'ouvrage, n'en doutons pas, constituera l'une des références essentielles de la réflexion sur la façon de sortir de l'ornière dans laquelle nous nous sommes mis.
Gaspillages
Car, pendant que notre société, jour après jour, "tombe dans un abîme sans fond, le débat macroéconomique porte sur une seule question : comment y arriver plus vite ?" Le constat est sans doute banal (sauf chez les économistes, qui demeurent très majoritairement aveugles, comme elle le montre dans un brillant chapitre), mais l'approche de Juliet Schor est tout, sauf banale : "Les gens achètent davantage et jettent plus vite." En 1991, chaque ménage américain achetait en moyenne 34 pièces de vêtements (ou chaussures) dans l'année. En 2007, ce sont 67 pièces. Pour un plaisir fugace, d'autant plus vite oublié que la mode, en changeant, déclasse le vêtement et suscite le désir d'en changer.
Aussi, notre auteure ne croit pas à la "croissance verte" : quand vous augmentez le revenu global, même avec de meilleures pratiques environnementales, l'accroissement de revenu, lui, est dépensé selon les normes en vigueur, en vêtements, voitures, transport aérien, etc.
Et la facture environnementale s'alourdit. En 1980, les humains ont extrait du sol 40 milliards de tonnes de matières diverses. Nous en sommes aujourd'hui au double. Les seuls citoyens des Etats-Unis y contribuent pour 163 kg par jour et par personne. "Ce n'est pas un chiffre durable", conclut-elle. L'empreinte humaine a dépassé le seuil de l'admissible ou du raisonnable. La crise économique et la crise écologique vont désormais de pair : "Les meilleures réflexions actuelles nous enjoignent de les résoudre ensemble."
Alors, que faire ?
Rompre avec ce qu'elle appelle le scénario BAU (Business As Usual), qui consiste à compter sur la croissance et la technologie pour régler le problème. Ce n'est pas sauver la planète qui peut être un objectif mobilisateur pour la plupart des gens, mais vivre mieux, disposer de temps pour faire ce que nous aimons et ce qui donne du sens - et du sel - à la vie. Bref, au moins dans les pays riches, transformer les gains de productivité en temps libre plutôt qu'en revenu supplémentaire. Car l'utilité du temps libre, contrairement à celle du revenu supplémentaire, ne décroît pas quand les autres en ont davantage.
Certes, l'auteure sait bien que la transition vers cette économie du temps retrouvé - moins de travail, de revenus, mais aussi de déchets, de ponctions non renouvelables et de chômage - prendra du temps et nécessitera bien des tâtonnements. Mais elle est confiante, citant de nombreuses expériences émanant de la "base".
Sans doute tend-elle un peu trop vite à penser qu'une hirondelle annonce le printemps, et son plaidoyer en faveur de machines bon marché à tout faire que chacun possédera bientôt laisse le lecteur dubitatif : dans les années 1970 aussi, avaient fleuri bien des exemples d'une "autre manière de produire"… Mais ce livre est un bain de jouvence, parce que, enfin, il nous dessine un futur possible à portée de mains. Ou presque. Bref, un livre passionnant et remarquable.
La véritable richesse. Une économie du temps retrouvé, par Juliet B. Schor, préface de Dominique Méda
Ed. Charles-Léopold Mayer, Institut Veblen, 2013, 260 p., 20 euros.
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