Autour de
Charlie
Bien sûr, comme tant
d'autres, « je suis Charlie », horrifié, peiné, révolté par un acte aussi
lâche et d'une inhumanité sans nom. Ne vous méprenez pas sur ce que je vais
partager avec vous; le but n'est pas de trouver des justifications, des excuses
à ceux qui l'ont perpétré. Il est de ne pas nous laisser prendre par « l'effet
loupe ». Vous savez, quand toute notre attention est focalisée sur un point
précis, notre champ de vision ne perçoit plus ce qu'il y a autour et ce serait
un bien piètre hommage à rendre aux victimes du journal que de ne plus être
capables de voir les choses au delà de l'évènement
lui-même.
Si le terrorisme
pratiqué par les fanatiques islamiques est indéniable, et dont d'ailleurs les
principales et plus nombreuses victimes se situent au sein de leur propre
peuple, une autre forme de terrorisme est à l'œuvre dans notre monde, en
permanence et infiniment plus destructeur, mais non reconnu car jamais désigné
comme tel et parce que confondu à l'ordinaire du quotidien. Je veux parler du
terrorisme lié à une autre idéologie, économique celle-là mais qui a pris place
de religion, je veux nommer l'ultra-libéralisme. Ce terrorisme là n'a pas besoin
de Kalachnikov ni d'opération commando; il tue et inflige d'immenses souffrances
à des millions de personnes mais en silence, dans le plus total anonymat et la
plus totale banalisation, avec pour arme l'ordinateur, la spéculation, les
traités de libre échange, la dette, l'impératif de croissance, la recherche de
profit financier comme seul finalité. 30.000 citoyens du monde meurent de la
faim chaque jour, (5 fois les tween towers de NY) non que la nourriture manque,
mais parce qu'elles n'ont pas l'argent pour l'acheter. 40 millions de personnes
aux États Unis survivent grâce aux tickets repas. 150.000 personnes sont sans
abri en France. 200 millions de chômeurs dans le monde, du moins répertoriés
dans les statistiques, sans doute beaucoup plus. Que voulez-vous, c'est la
crise! Mais nous avons la situation bien en main, assurent nos dirigeants
politiques, prêtres de cette autre religion, avec une bonne cure d'austérité,
croyez-nous, vous vous sentirez tout de suite mieux! Parlez-en aux
Grecs...
Oui, je suis Charlie,
mais je suis aussi le chômeur qu'on culpabilise et dont on rogne les indemnités,
le sans abri qu'on feint de ne pas voir tant il dérange, le paysan sans terre du
Brésil ou d'ailleurs, le Kogi qu'on chasse de son territoire pour y chercher du
pétrole, l'esclave moderne des mines d'Afrique ou des usines du tiers monde...
mais je suis aussi terre dévitalisée par les intrants chimiques, rivière
empoisonnée, graine stérilisée, fonds marins dévastés, arbre déraciné, abeille
désorientée, air pollué, roche fracturée... Bref, Vie niée.
Faisons donc en sorte
que Charlie ne soit pas récupéré, instrumentalisé par les tenants de cet autre
terrorisme; prenons garde que la légitime émotion ressentie ne soit pas utilisée
comme outil de manipulation des masses. Car si vous regardez dans le
rétroviseur, vous verrez combien longue est la liste des attentats qui,
perpétrés par une force étrangère ou orchestrés de l'intérieur même, ont été
manipulés pour conduire les peuples là où ils ne voulaient pas aller. Regardez
comme depuis plusieurs années, le terrorisme, la dette, la crise, sont prétexte
à interventions militaires, à armement renforcé des forces policières, à
répressions musclées, parfois meurtrières des mouvements citoyens
contestataires, combien nos démocraties et les valeurs sur lesquelles elles
prétendent s'appuyer dérivent et sont bafouées sous la pression du totalitarisme
de la finance internationale et de l'idéologie ultra
libérale.
Alors, plus que jamais,
que Charlie nous aide à garder les yeux ouverts et à ne pas nous faire les
complices de ce terrorisme aveugle et institutionnalisé, tant tout est et sera
fait pour nous endormir ou nous hypnotiser.
Amicalement
Philippe
Philippe
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