« CONTRE LES ÉLECTIONS » DE David Van
Reybrouck ed. Babel 2014
L'auteur, au
départ, nous parle du « syndrome de fatigue démocratique »
qui se manifeste entre autre par le fait que de moins en moins de gens vont
voter et le nombre d'adhérents des partis politiques est en baisse. Il croit que le tirage au sort pourrait
redonner un nouveau souffle à la dite démocratie.
Son ouvrage tient en 4 chapitres : les symptômes au mal
de la démocratie représentative, les diagnostics, la pathogénèse et les remèdes
à donner à la démocratie. Il nous parle
des deux types de crises : crise de la légitimité et crise de l'efficacité.
« Tout système politique doit trouver un équilibre entre deux critères
fondamentaux : l'efficacité et légitimité.
L'efficacité répond à la question : combien de temps faut-il à un
gouvernement pour mettre en œuvre des solutions réelles aux problèmes qui se
présentent. La légitimité répond à la
question : dans quelle mesure les habitants sont-ils en accord avec ces
solutions? L'efficacité correspond à la
capacité à agir, la légitimité au soutien des citoyens à l'action publique. (…)
la crise de l'efficacité ne faut qu'aggraver la crise de la légitimité. »
Quels sont donc les diagnostics à ce syndrome de fatigue démocratique? Selon l'auteur, «
on peut classer les analyses divergentes du syndrome de fatigue démocratique en
fonction de quatre diagnostics différents : 1- c'est la faute des
politiciens; 2- c'est la faute de la
démocratie, 3- c'est la faute de la démocratie représentative et 4- variante
spécifique, c'est la faute de la démocratie représentative
élective. ».
1- on connait les accusations habituelles envers les
politiciens, ils se retrouvent devant le diagnostic du populisme; 2- le diagnostic de la technocratie car
« on confie la gestion des affaires publiques à des
spécialistes » 3- c'est le
diagnostic de la démocratie directe.
« Les Occupiers et les Indignados sont friands d'adjectifs :
la nouvelle démocratie, la « deep democracy », etc..Le populisme est
dangereux pour la minorité, la technocratie est dangereuse pour la majorité et
l'antiparlementarisme est dangereux pour la liberté. » 4- Le nouveau diagnostic- au moyen des
élections « les mots « élections » et « démocratie »
sont devenues synonymes pour presque tout le monde; nous ne jurons que par les
urnes » « Voilà la cause
première du syndrome de fatigue démocratique : nous sommes tous devenus
des fondamentalistes des élections. Nous
méprisons les élus, mais nous vénérons les élections »
On a de la difficulté a croire qu'il n'y a pas d'autres
choses que les élections; nous tombons dans le piège car il existe aussi autre
chose. Quand on dit exporter la démocratie, c'est à celle
des élections comme en Occident auxquelles on réfère. « Notre
fondamentalisme électoral prend en l'occurence vraiment la forme d'une nouvelle
évangélisation du monde. Les élections
sont les sacrements de cette nouvelle religion.... «
Au fur et à mesure du temps, la société civile, la population
exige d'être entendue de plus en plus, ce que l'on appelle « l'espace
publique ».
« Au fil des siècles, cependant, s'est constitué ce que
l'on peut appeler une « sphère publique » pour reprendre le terme de
la théorie du sociologue allemand Jurgen Habermas. Les
sujets s'opposèrent à cette approche du haut vers le bas et se réunirent
sur la place publique pour discuter de la situation(...) les révolutions
américaines et francaises de 1776 et 1789 ont constitué une apogée : une
population révoltée... décida que ce serait non plus le roi, mais le peuple qui
serait souverain ».
« Au cours des deux siècles suivants, cette méthode
remontant au XVIIIe siècle connait cinq transformations structurelles : la
naissance des partis politiques, l'introduction du suffrage universel, le
développement d'une société civile organisée, la domination des médias
commerciaux au sein de l'espace public et l'apparition, là-dessus, des médias
sociaux ».
Mais les choses commencent à changer avec la globalisation et
le libéralisme économique des années 1980.
« C'est moins la société civile que les lois du marché qui sont
mises de l'avant avec un autre impact majeur sur la démocratie habituelle. (…)
les conséquences se devinent aisément : le citoyen devient consommateur,
le passage aux urnes une aventure(...) la société civile ayant perdu de son
pouvoir, un fossé s'est de nouveau creusé entre l'Etat et l'individu. »
L'intérêt général de la population civile est de moins en
moins au rendez-vous; les élections apparaissent moins utiles et convaincantes
pour créer une meilleure société. Le bateau coule. « La démocratie est
fragile, plus fragile qu'elle ne l'a jamais été depuis la Seconde Guerre
Mondiale. Si nous n't prenons garde,
elle dégénérera peu à peu en une dictature des élections. » Les élections
amènent la fin de la démocratie.
Dans la démocratie athénienne, on parle beaucoup de tirage au
sort. « Les organes de
gouvernement les plus importants recrutaient effectivement leur personnel par
tirage au sort ». - La démocratie
athénienne peut-être vue comme une démocratie « directe » , mais il
faut savoir que ce n'était pas tout le monde qui s'exprimait mais plutôt un
échantillon au hasard, constitué par tirage au sort. Nous pourrions plutôt
parler d'une démocratie représentative non élective.
« Ce qui frappe, dans les écrits des révolutionnaires
américains et francais, c'est non pas tant qu'ils ne pouvaient pas appliquer le
tirage au sort mais tout simplement qu'ils ne voulaient pas, et pas seulement
pour des raisons pratiques. A aucun
moment, ils n'ont même semblé vouloir faire le moindre effort en ce sens. Les révolutionnaires disaient vouloir que le peuple
soit souverain, mais ils concevaient ce même peuple de facon plutôt
élitiste. Les nouveaux Etats
indépendants d'Amérique du Nord recoivent le nom de « républiques »
mais non de « républiques démocratiques ».
Le politologue canadien Francis Dupuis-Déri a fait des
recherches sur le mot « démocratie » et a « constaté que les
Pères Fondateurs des révolutions amércaines et francaises l'évitaient
visiblement. La démocratie c'était l'équivalent du chaos, de l'extrémisme,
estimaient la plupart d'entre eux, et ils voulaient s'en tenir aussi éloignés
que possible. La réalité démocratique
elle-même leur faisait horreur. La Révolution francaise, pas plus que
l'américaine, n'a chassé une aristocratie pour la remplacer par une démocratie;
elle a chassé une aristocratie héréditaire pour la remplacer par une
aristocratie librement choisie. Une
aristocratie élective, pour reprendre l'expression de Rousseau ».
On peut se poser la question : Depuis que les élections
existent, ont-elles été crées comme un outil démocratique? Il semble que
non. On a persisté à le croire trop
longtemps. « Le syndrome de fatigue démocratique qui se manifeste
aujourd'hui de toutes parts est une conséquence parfaitement normale de la sacralisation
du système représentatif électif » Une question vient à l'esprit :
Pouvons-nous envisager une autre démocratie?
Au niveau des remèdes, il demeure important que le peuple
participe. Cette règle nous amène à la
démocratie délibérative ( fin du 20e siècle).
L'idée vient de James Fishkin- c'est le fait que des citoyens (tirage au
sort) se réunissent et recoivent les projets des candidats afin d'en arriver à
une décision.
Par exemple; réunion pendant deux semaines tout en étant
rémunérés. « Le terme démocratie
délibérative était né, une démocratie où les citoyens non seulement votent pour
des politiciens, mais parlent aussi entre eux et avec des experts ».
Plusieurs expériences se sont réalisées dans plusieurs pays
sur des questions majeures. Au Texas
(énergie propre), le Japon ( retraites), le Brésil ( la carrière des
fonctionnaires, en Chine ( politique de la ville). Ailleurs, de nouveaux modèles de
participation citoyenne se sont fait jour.
Allemagne, Danemark, France, Brésil.
Concernant le renouveau démocratique, il y a eu 5 expériences :
deux au Canada ( Colombie Britannique et Ontario), les trois autres au
Pays-Bas, Islande et Irlande. Tous ont obtenu un mandat temporaire et un budget
considérable des pouvoirs publics »
Les questions traitaient de réformes de loi électorale ou même de la
Constitution; l'idée était de travailler avec des échantillons de citoyens- la
concertation dura environ 12 mois- les participants ( citoyens) travaillaient
avec des spécialistes, etc.. Résultat : aucun de ces projets n'a réussi à
influencer la politique publique.
« Dans les trois cas, la proposition de l'Assemblée citoyenne
devait être confirmée par référendum.
Manifestement, le tirage au sort n'était pas un instrument démocratique
assez familier pour bénéficier d'emblée d'une légitimité incontestable. »
Le tout fut établi par un référendum; résultat : en
Colombie Britannique, un vote favorable à 57,7% et celui en Ontario à
36.9%. Comme on le constate, ce n'est
pas un processus rapide.
« Il serait bien de faire une différence entre le référendum
et la démocratie délibérative, même si c'est le citoyen qui est consulté. Lors
d'un référendum, on demande à tout le monde de voter sur un sujet à propos
duquel, le plus souvent, peu de gens sont informés; lors d'un projet
délibératif, on demande un échantillon représentatif de la population de
délibérer sur un sujet à propos duquel il obtient le plus d'informations
possibles. Lors d'un référendum, les gens réagissent encore
très souvent avec leurs tripes; lors d'une délibération, c'est une opinion
publique éclairée qui s'exprime. »
C'est vraiment très exigeant pour les assemblées citoyennes
qui travaillent forts afin de dévoiler leurs conclusions; il reste aussi
l'opposition des partis politiques et des médias. L'attitude de ces derniers n'est pas toujours
positive, car ils tiennent à leurs privilèges d'apporter la « lumière de
vérité ». Il y a aussi d'autres facteurs, comme la crainte mutuelle des
partis politiques et des citoyens, et vice-versa- de la méfiance des uns vis à vis de autres. La démocratie parlementaire est plus
spectaculaire que l'autre démocratie qui se veut plus axée sur le citoyen comme
nous venons de le voir.
L'expérience de l'Islande : le tirage au sort des
citoyens en arrive à faire élire ( urnes) 25 élus par la population ( «
le scrutin fut invalidé, le Parlement décidant alors de choisir lui-même les
élus » )...
« Le 20 octobre 2012, lorsque la proposition de
Constitution fut soumise par référendum aux citoyens islandais, elle fut
adoptée par deux tiers des voix ».
- L'expérience islandaise est un exemple de réussite de démocrtie
délibérative.
L'expérience de l'Irlande : ils veulent associer les hommes politiques à
ce processus pour de meilleures chances de réussite. En tout, 66 citoyens et 33 politiciens
professionnels. A propos de la Convention sur la Constitution « les
recommandations devaient d'abord passer devant les deux chambres du Parlement
irlandais, puis être examinées par le gouvernement et ensuite soumises à référendum ».
PLAIDOYER PROVISOIRE
EN FAVEUR D'UN SYSTÈME BI-REPRÉSENTATIF.
C'est le fait de partager le pouvoir entre des citoyens élus
et des citoyens tirés au sort. «
La démocratie n'est pas un régime dominé par les meilleurs éléments de notre
société; un tel régime est une aristocratie, mêmes si les personnes sont
élues.(...) La démocratie, au contraire,
prospère en donnant la parole à différentes voix; l'important, c'est d'avoir un
pouvoir de décision égal..... »
De facon générale, le tirage au sort ne fait pas l'unanimité. Mais il faut se souvenir qu'il fût un temps
où le vote des femmes, des ouvriers n'étaient pas prisés. L'exemple du jury à un procès illustre bien
comment le tirage au sort se tire d'affaire.
Pourquoi accepter des groupes de réflexion sans accepter le tirage au
sort de citoyens qui sont les premiers concernés Le système bi-représentatif est actuellement
le meilleur remède au syndrome de fatigue démocratique dont souffrent tant de
pays. « Ainsi, la méfiance entre
gouvernés et gouvernants diminue; les chances de meilleure harmonie reviennent.
EX; le modèle bi-représentatif belge.
CONCLUSION DE L'AUTEUR.
Ce dernier conclue « que nous sommes en train de
détruire la démocratie en la limitant aux élections, et ce, alors que ces mêmes
élections n'ont jamais été concues comme un instrument de démocratie. »
Sans une réforme complète, ce système est à l'agonie. Compte tenu de l'abtentionnisme, le mépris
des politiciens, les difficultés de gestion gouvernementale, de plus en plus de
citoyens veulent participer aux affaires publiques; cela signifie qu'il est
minuit moins une minute. « Pour
l'instant, le calme semble régner, mais c'est le calme avant la tempête ».
Il faut faire valoir notre droit d'expression à un moment clé où on veut nous
l'enlever. « Nous devons
démocratiser la démocratie ».
MA CONCLUSION.
Nous constatons que l'arrivée d'une véritable démocratie ne
doit plus se faire attendre et que c'est un long processus, parsemé d'embûches
de toutes sortes. Nous avons le choix de
ne rien faire et rien ne changera OU croire que c'est encore possible; et y
travailler progressivement, et finalement atteindre le but fixé compte tenu
d'un nouvel éveil de conscience et de devenir plus libre.
JCT 16 janvier 2015.
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