Dans le Manifeste de la décroissance, il est question de choisir lucidement les inventions. Par exemple , le compagnonnage des plantes en agriculture biologique est une bonne invention. Est-ce qu’il y en d’autres?
Oui, il y en a énormément. Je pense qu’il va falloir retourner à beaucoup de nos savoirs traditionnels. Il y a des savoirs qui existent qui étaient absolument fantastiques. Une invention qui est phénoménale, c’est la bicyclette. C’est le moyen de déplacement le plus efficace qu’on connaisse . Beaucoup d’inventions se sont développées dans le Tiers Monde à partir de la bicyclette, comme par exemple , des pompes qu’on active en pédalant. Ce que j’aimerais que nous fassions comme types d’inventions, c’est chercher dans le sens de trouver des instruments qui nous permettent d’être de plus en plus autonomes, donc de répondre par nous-mêmes à nos besoins et de le faire avec des instruments durables et faciles à réparer. Il y a place à beaucoup d’améliorations de ce côté –là, mais il y a aussi des savoirs qu’on a laissés de côté et qu’il faut aille rechercher. Ce n’est pas revenir en arrière. Nous avons la mentalité que tout ce qui est nouveau est bon. Ce n’est pas vrai. Il y a des choses que l’on a mises sur le marché qui sont moins bonnes que ce qui était là avant. Ainsi, nos anciennes ampoules électriques duraient tant qu’elles ne cassaient pas par accident. Aujourd’hui, elles brûlent vite parce qu’on s’organisent volontairement pour que les choses durent moins longtemps. C’est ce qu’on appelle l’obsolescence planifiée. Un frigidaire acheté il y a quarante ans pouvait durer trente ans, mais pas aujourd’hui. Il y a une garantie d’un an mais il dure dix ans au maximum. S’il durait, on en achèterait moins et il y aurait moins de production. On vit dans une drôle de société qui produit énormément de gaspillage.
On parle souvent de six ou sept « R » en écologie. Recycler, réutiliser, re-design. Quel est le « R » qui vous paraît le plus important?
Je ne parle pas de ces « R ». Pour moi il est très clair qu’il faut réduire. Par exemple, dans le domaine des énergies, c’est fou ce qu’on investit pour développer des énergies nouvelles. Il faut au contraire, réduire notre consommation d’énergie. Il n’y a pas d’énergie qui n’ont pas de coût pour l’environnement. La solution se trouve clairement dans une réduction des besoins d’énergie et on peut faire beaucoup a cet égard. Le re-design … peut-être, mais c’est une idée rattachée au domaine du développement durable. Je rejette cette notion de développement durable parce que de développement travaille à permettre la survie du capitalisme. L’économie verte, développer des meilleurs frigidaires, mettre tous ses espoirs dans des nouvelles technologies, font marcher la machine économique, mais ce n’est pas là où nous devrions vraiment agir. Oui, il faudrait améliorer l’efficacité des automobiles, mais tout refaire le parc d’automobiles serait très destructeur puisqu’ énergivore . Il faut plutôt d’abord et avant tout qu’on s’organise pour avoir une société où on n’a pas besoin d’automobiles. Oui, on aura toujours besoin d’ambulances, de pompiers, mais Il faut plutôt repenser nos villes pour qu’on ait moins besoin de se déplacer.
Y-a-t-il encore de la recherche à faire ou bien nous n’avons qu’à mettre en application ce qui est connu?
Il est important de savoir qu’on a déjà énormément de connaissances qui ne sont pas appliquées. On pourrait se dire : qu’est-ce qu’on fait avec ce qu’on sait déjà. Ce n’est pas l’esprit de la recherche actuelle qui veut toujours aller plus loin. A-t-on besoin des télévisions à trois dimensions qu’on nous annonce? On va nous forcer à changer nos télévisions car on va tourner les émissions en trois dimensions. Comme les ordinateurs, il faut toujours changer. Pour les voitures, il est clair qu’il faut réduire le nombre en ville, comme à New-York où la plupart n’en ont pas, ce qui est bon pour leur santé car il marchent plus Les services sont proches et travaillent près de leur lieu d’habitation. Pour les besoins autres, cela peut se faire en transport collectif ce qui est moins couteux que les déplacements individuels.
Que faire pour les pistes cyclables en hiver?
On pourrait facilement avoir des pistes séparées, des voies couvertes sur le dessus qui permettent des chaussées dégagées. Il y a déjà des bicyclettes avec pneus à crampons, freins à disque qui permettent de freiner sur la glace , le système de vitesse est intégré à l’intérieur.
Est-ce que la décroissance conviviale permettrait de combattre la pauvreté?
On nous a répété le mythe que la croissance économique permettrait d’éliminer la pauvreté. Si on regarde les chiffres sur la pauvreté depuis 40 ans de croissance économique, l’écart entre les riches et les pauvres s’est agrandi. Les riches se sont enrichis, pas les pauvres.
Il faut faire un meilleur partage de la richesse actuelle, un point c’est tout, et c’est possible sans continuer la croissance économique.
Par le revenu de la citoyenneté entre autre?
Oui. J’ai préparé un article pour Le Devoir sur les inégalités à partir d’une étude faite en Angleterre dans laquelle il y eu une comparaison des sociétés les plus inégalitaires avec les pays les plus égalitaires, des pays industrialisés. Dans les sociétés les plus inégalitaires, il y a beaucoup plus de problèmes pour tout le monde, même pour les riches. Les sociétés les plus égalitaires font de deux à dix fois plus mieux dans divers secteurs, comme la santé mentale ou physique, la violence. La société la plus inégalitaire , c’est les États-Unis. Là aussi, où il y a le plus d’égalité, les indices montrent des avantages à l’égalité Les problèmes sociaux sont plus grands avec l’inégalité , comme le taux d’emprisonnement, les grossesses chez les adolescentes, le drop out chez les étudiants par exemple. Pour améliorer l’égalité il y diverses mesures : taxer davantage les riches, par l’augmentation du salaire minimum, les allocations sociales; l’allocation universelle fait que tout le monde ait de quoi vivre. Ce n’est certainement pas par l’augmentation des tarifs des services publics comme on se prépare à faire actuellement. Rendre les services essentiels gratuits est une manière de diminuer les inégalités. Le système de santé qui coûte le plus cher mais qui ne donne pas de bons résultat globalements, c’est le système américain. Comparé à Cuba, leur santé est meilleure que celle des américains avec un PIB tellement plus bas.
Les « Villes en transition », n’est-ce pas ce qui unit les notions de simplicité volontaire et de la décroissance?
C’est une façon concrète de faire avancer l’idée de la décroissance et de commencer à l’appliquer dans notre société. On a là quelque chose de concret comme l’est aussi la simplicité volontaire. Avec celle-ci, on prend sa responsabilité individuellement de moins consommer. On peut nous nos donner des villes qui faciliteront une consommation diminiuée, ce sera plus facile pour tout le monde de vivre plus simplement et nos valeurs vont aller dans ce sens là. Le résultat sera que nous serons plus heureux. C’est ça qui est important.
Justement, vous avez écrit un livre sur le bonheur. Le lien entre le bonheur et la transition, c’est la simplicité?
Dans mon livre, qui s’appelait « La belle vie », j’avais, pour arriver à faire une belle vie, un chapître sur la simplicité volontaire. J’en avais aussi sur nos liens avec la nature à renouveller, sur l’idée d’ avoir de l’amour dans sa vie personnelle, développer sa spiritualité, tout ça se tient. Aller dans cette direction aide à être heureux.
La permaculture est important dans l’idée des villes en transition?
C’est un concept un peu flou. Au départ, la permaculture développait des méthodes qui permettent de beaucoup moins brasser la terre et d’avoir des récoltes sans avoir à labourer chaque année. S’en aller vers des méthodes culturales qui visent à constamment améliorer le sol en se servant de plantes qui reviennent annuellement sans avoir à en replanter. La permaculture actuelle parle de méthodes de culture biologiques sans pétrole, sans grosse machinerie. C’est la chose la plus facile à faire, même dans nos villes. Il y a beaucoup de terrains qui peuvent servir à produire davantage. Dans un quartier comme le mien Parc Extension, les Italiens mettent des légumes, tomates, concombres, au lieu de gazon. C’est beau et utile pour nourrir. Dans les Villes en transition, une des premières choses qui va se développer, et c’est facile à le faire, c’est de remettre en culture nous cours arrières, avant, une partie de nos parcs , de convertir des stationnements en jardins, car nous travaillons en même temps en parallèle à réduire le nombre d’automobiles et aussi les méthodes de cultures en commun tels les jardins communautaires et collectifs, de sorte que la communauté développe plus de liens, ce qui est essentiel à une Ville en transition.
Pour nous dont la saison de jardinage est courte, il ya les techniques de conservation de la nourriture…
Oui. Tout cela se tient. La nourriture est la base de notre survie ; on a perdu le lien avec la nourriture. On ne sait plus d’où ça vient. La nourriture nous donne les éléments dont on a besoin, mais c’est aussi un acte social de conservation et de production.
Est-ce que la Ville permet de faire des paysages comestibles au lieu du gazon?
Il y a des choses qui vont devoir changer dans nos villes, par exemple notre relation avec les petits animaux qu’on consomme, qui nous fournissent de la viande, comme les poulets, les lapins. Il y a eu des raisons pour lesquelles c’est disparu, mais aujourd’hui on pourrait y retourner. Qu’est-ce qu’il y a de plus agréables que d’aller chercher ses œufs dans sa cour et les manger tout de suite après, comme on fait avec nos tomates. Il y a des règlements inadaptés. Il y a des méthodes d’élevage qu’on a développées qui nous permettent d’élever de petits animaux sans danger.
En relation avec l’émission « Une heure sur terre », qui informe du fait que les Chinois achètent des terres agricoles au Canada et au Québec, principalement en Montérégie, qu’en penser?
Les Chinois achètent des terres ici et partout ailleurs, particulièrement dans le Tiers Monde. Parce qu’ils réfléchissent à ce qui s’en vient avec les terres agricoles de moins en moins nombreuses, avec les perturbations climatiques et avec le pic du pétrole, tout cela qui mènera nécessairement à une diminution de la production alimentaire et au renchérissement des produits encore cultivés. Ils pensent à leurs intérêts à long terme contrairement à nos dirigeants politiques qui ne raisonnent qu’en termes de quatre ans ou moins, ce qui leur permettra de gagner la prochaine élection.
Il est impossible de se procurer de l’huile de canola non contaminée par des cultures transgéniques au Québec, dit Roméo Bouchard. D’ailleurs une production bioloique dans l’Ouest du Canada a été contaminée par le vent par des graines transgéniques et la production biologique a été confisquée avec l’Accord de la Cour Suprême. Il y a un sentiment d’injustice et d’impuissance. Le contrôle de notre santé nous échappe. Peu -ton ainsi vraiment manger local et vivre à l’échelle locale?
Pour l’huile de canola, oui c’est inquiétant et là encore on voit bien quels intérêts servent nos gouvernements : ceux des grandes multinationales. Cela nous montre aussi que les actions individuelles atteignent vite leurs limites.; c’est bien de faire des efforts pour manger local, mais très vite l’individu se heurte à une organisation sociale telle qu’il ne peut plus faire les actions qu’il voulait. Changer nos comportements est important mais il faut aller plus loin et changer , collectivement, nos façons de faire, donc, changer notre société, et dans ce cas-ci, trouver les moyens de nous redonner une société vraiment démocratique, dans laquelle on respecte les vœux de la population. La grande majorité des gens est contre les OGM et que font nos gouvernements pour empêcher leur dissémination?
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