Le gaz ou la
vie
À quoi bon avoir du gaz si les arbres brûlent, si les
cultures céréalières et maraichères deviennent impraticables en raison de
l’ampleur des sécheresses, si les poissons meurent à cause de l’eau devenue
trop acide, trop chaude et trop pauvre en oxygène? À quoi bon avoir du gaz si
ce combustible détruit les conditions essentielles à la survie de toute la
biodiversité? Scénario catastrophe de science-fiction? Non! C’est le message
que répètent les scientifiques depuis des décennies. Et chaque année, chaque jour
que nous passons à continuer de brûler des énergies fossiles accentue l’érosion
des réserves planétaires essentielles au maintien de la grande toile du vivant.
Rappelons quelques faits de science : l’accumulation actuelle
du dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère piège l’énergie
dégagée par le rayonnement solaire (rayonnement infrarouge) près de la surface
terrestre. L’énergie emprisonnée chaque jour correspond à celle de 400 000
bombes atomiques du type de Hiroshima (chaque jour!)[1].
Les conséquences de cette accumulation d’énergie sont rien de moins que
catastrophiques. L’urgence de freiner ce réchauffement est absolue.
Déjà l’Australie enregistre des températures atteignant les
50 degrés Celsius[2].
Or, entre 40 et 47 degrés Celsius, les plantes cessent leur photosynthèse. Avec
les sécheresses, les cultures meurent et les forêts brûlent. L’année 2018 a été
tristement spectaculaire en matière de méga-incendies de forêts : Sudbury
(Canada), Grèce, Californie, Suède, Lancashire (Royaume-Uni), Japon, Sibérie.
Le problème est planétaire[3].
Il n’est pas possible de mettre fin d’un coup au
réchauffement de la planète. Les gaz à effet de serre déjà accumulés dans
l’atmosphère continueront d’avoir des impacts sur les glaciers, les sols et les
océans pendant des décennies et des siècles à venir, même si nous cessions
demain de brûler des hydrocarbures. Et les scientifiques nous disent qu’au-delà
d’un certain seuil d’accumulation de GES dans l’atmosphère, aucune action
humaine ne pourra plus freiner l’emballement du réchauffement, en raison
notamment du dégagement du méthane issu de la fonte du pergélisol[4]
et de la décomposition végétale[5],
des phénomènes déjà amorcés[6].
Certains scientifiques croient que ce seuil critique pour la
continuité de la vie sur la Terre, telle que nous la connaissons, est déjà
franchi. D’autres, comme Hubert Reeves[7],
Claude Villeneuve[8] et
Catherine Potvin[9],
pensent qu’il est encore possible de limiter le désastre en modifiant en
profondeur nos façons de nous nourrir, de nous loger, de nous déplacer, de faire
du commerce et de consommer de l’énergie. Ils appellent à une véritable
révolution. La transition du charbon, du pétrole ou du mazout vers le gaz
naturel, qu’il soit conventionnel ou obtenu par fracturation, n’a aucun rôle à
jouer dans le scénario de sortie de crise. Il est déjà trop tard : nous
devons cesser complètement d’exploiter les gisements d’hydrocarbures, même les
gisements conventionnels déjà connus et en exploitation. Aucune nouvelle infrastructure
ne doit être construite.
Le projet Gazoduq et GNL-Québec[10],[11],
qui vise à exporter le gaz albertain (principalement du gaz obtenu par
fracturation) via l’Abitibi-Témiscamingue, le Saguenay–Lac-Saint-Jean et le
Parc marin Saguenay–Saint-Laurent est une pure aberration à la lumière du
contexte que nous venons de décrire. Sa réalisation favoriserait un
accroissement de la production gazière albertaine et de la consommation de gaz
au Québec C’est un projet pervers, dans un système économique devenu
génocidaire. Il faut sortir de l’impasse. Nous avons encore les moyens de prendre
le virage vers une économie viable. Le projet Gazoduq-GNL Québec ne doit jamais
voir le jour. Nous demandons une véritable transition énergétique dès maintenant.
Louise Morand, Denise Campillo, François Prévost, Chantal
Jolicoeur, Stewart Johnson
[1]
http://www.scientistswarning.org/deep-adaptation-a-map-for-navigating-climate-tragedy/
[2]
https://usbeketrica.com/article/australie-etats-unis-changement-climatique?fbclid=IwAR01jyTHQd13weyCB3_nO3OPSYfj89nz-wTJseWT4kZIVTmkprmewv0MndY
[4]
https://www.ledevoir.com/societe/environnement/457107/pergelisol-la-bombe-climatique-a-ne-pas-amorcer
[5] https://www.telegraph.co.uk/news/earth/earthnews/9168055/Compost-bomb-is-latest-climate-change-tipping-point.html
[6]
https://www.ledevoir.com/societe/environnement/541959/les-gaz-a-effet-de-serre-ont-atteint-des-concentrations-records-en-2017
[7] Entendre les propos d’Hubert Reeves dans le film de
Iolande Cadrin-Rossignol (2018). La Terre
vue du cœur. http://lamaisonducinema.com/film/la-terre-vue-du-coeur/
[8] Claude Villeneuve (2013). Est-il trop tard? Québec : MultiMondes
[9] Voir le rapport de 60 universitaires canadiens Agir
sur les changements climatiques. http://sustainablecanadadialogues.ca/fr/vert/endossement
[10] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/541429/un-gazoduc-de-750-km-pour-exporter-du-gaz-naturel-a-partir-du-quebec
[11]
https://www.ledevoir.com/societe/environnement/545588/liberaux-pequistes-et-solidaires-reclament-une-etude-globale-du-projet-de-gnl-quebec
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