Le 27
février 2018
Lettre ouverte et demande de
rencontre au ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, monsieur
Pierre Moreau
Monsieur
Moreau, votre ministère a-t-il saboté les inspections de puits abandonnés?
Monsieur le Ministre,
On nous surnomme « chasseurs de puits abandonnés ». Depuis
2010, nous avons inspecté près de 300 puits de forage pétroliers et gaziers,
dans le cadre d’initiatives citoyennes motivées par l’importance des enjeux et
l’inertie du gouvernement dans ce dossier.
Parmi les puits que nous avons cherchés, nous en avons
localisé plus de 8 sur 10 et « vu de nos yeux vu » environ 5 sur 10. Parmi les
puits vus, car hors-terre ou excavés, nous avons observé que la quasi-totalité
n’étaient pas conformes. Plusieurs présentaient des signes de dégradation du
coffrage ou laissaient échapper des hydrocarbures; d’autres ne respectaient pas
les règles de fermeture des puits.
Par contraste, comme l’a révélé le RVHQ le 15 février
dernier [1], les inspecteurs du ministère de l’Énergie et des Ressources
naturelles (MERN) ont vu seulement, en moyenne, 1,3 puits sur 10 parmi ceux
qu'ils ont cherchés en 2017. Même un puits de gaz de schiste foré en 2009 a été
déclaré introuvable! Le service d'inspection du MERN n'en a pas moins déclaré «
conformes » 9 puits sur 10, soit 191 des 212 puits recherchés.
L’écart important entre les résultats du MERN et les nôtres
soulève bien des questions. Ni l’âge des puits recherchés, ni les régions où
ils se trouvent, ni la grandeur de l'échantillon ne l’expliquent. Comment donc
les équipes citoyennes parviennent-elles à trouver 4 fois plus de puits que le
MERN?
Elles prennent le temps de le faire, tout simplement.
Au lieu de nous fier aveuglément aux coordonnées
officielles, consignées dans le système SIGPEG de votre ministère, nous
étudions les données originales de localisation, interrogeons les résident.es
et utilisons parfois des photos satellitaires ainsi que divers autres outils.
La plupart des puits étant enfouis, nous creusons le sol afin d’en confirmer la
présence, ce qui nous permet aussi de contrôler l’intégrité du coffrage. Tout
en excavant, nous vérifions la présence de contaminants dans le sol et de
méthane dans l’air.
Le MERN a procédé bien différemment pendant son blitz
d'inspection de 2017, si on en juge par les rapports d'inspection. Ces rapports
révèlent qu’aucun des 212 puits recherchés n’a été excavé à ce jour. Presque à
tout coup, votre service d’inspection semble avoir simplement déclaré «
conforme » tout emplacement correspondant aux coordonnées SIGPEG quand « à la
surface, il n’y a pas de signe de contamination ou d’émanation de gaz »,
comme votre bureau l’a confié au Devoir [2]. En d’autres termes, dans la vaste
majorité des cas, les observations et les mesures ont été prises là où aucun
puits ne se trouvait : ce sont dans ces cas-là des simulacres d’inspection et
non des inspections qui ont été menés.
Quand le MERN a compris que sa position était indéfendable,
à la suite de la diffusion du communiqué du RVHQ, il a paré le coup en déclarant
au Devoir qu’il « ne détient pas toute l’information requise pour localiser les
puits abandonnés », et a lancé deux appels d’offres « pour améliorer sa
connaissance sur la localisation et l’état des puits »[3].
Pourquoi alors, si le MERN « ne détient pas toute
l’information requise pour localiser les puits abandonnés », a-t-il effectué en
2017 plus de 200 inspections sur des bases douteuses et fermé les dossiers de
plus de 150 puits? Pourquoi a-t-il déclaré « conformes » 138 puits qu’il n’a
jamais trouvés?
A-t-il volontairement saboté la mise en œuvre du plan
d’inspection afin d’éviter des résultats qu’il savait par avance devoir être
embarrassants?
Croyait-il ainsi faire taire les citoyens avant de mettre en
vigueur sa honteuse Loi sur les hydrocarbures?
Les signataires de cette lettre exigent du gouvernement une
rigoureuse reddition de comptes sur les inspections des puits d’hydrocarbures
et surtout qu’il arrête de jouer à l’autruche avec les puits enfouis sur notre
territoire. Nous, signataires, décrions cet état de fait et demandons par la
présente d’ici le 9 mars une rencontre d’une heure avec vous afin de clarifier
les faits.
Signataires :
Pascal Bergeron, St-Omer
Marc Brullemans,
Trois-Rivières
Françoise Brunelle, Bécancour
Raymond Croteau, Bécancour
Jean Falaise, Durham-Sud
Serge Fortier,
Sainte-Marie-de-Blandford
Alain Guillon, Victoriaville
Albert Geuzaine, Verchères
Lise Houle, Verchères
Rosalie Laframboise, Montréal
Jean-Pierre Leduc, Bécancour
Louise Morand, L’Assomption
André Péloquin, Sainte-Julie
Patricia Posadas, Rimouski
Martin Poirier, Rimouski
Stéphane Poirier, Amqui
Odette Sarrazin,
Saint-Gabriel-de-Brandon
Nastassia Williams, Gaspé
Références :
[1] Inspection
des puits inactifs par le MERN : seulement 32 des 191 puits de forage
considérés « conformes » ont en fait été localisés par les inspecteurs, https://www.rvhq.ca/communique-inspection-des-puits-inactifs-par-le-mern-seulement-32-des-191-puits-de-forage-consideres-conformes-ont-en-fait-ete-localises-par-les-inspecteurs/
[2] Le
Devoir : http://www.ledevoir.com/societe/environnement/520370/forages-des-puits-s-evanouissent-dans-la-nature
[3] Le
Devoir, ibid.
Aussi 3 photos en annexe libres de droit.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire