Énergie Est et la Loi
sur le développement durable
La compagnie TransCanada a enfin condescendu à se conformer à
l’injonction lui enjoignant de respecter la Loi québécoise sur la qualité de
l’environnement. Elle a donc déposé un avis
de projet et devra produire une étude d’impact de son projet d’ici le 6 juin.
En conséquence, le
gouvernement du Québec a décidé de suspendre les travaux de la commission
d’enquête du BAPE dit « générique » sur le projet Oléoduc Énergie Est.
Conformément à la loi, cependant, de nouvelles audiences dites
« spécifiques » devraient être organisées plus tard pour guider le
gouvernement dans sa décision d’émettre ou non un certificat d’autorisation.
Logiquement, le mandat qui sera confié à cette nouvelle
commission d’enquête devrait lui aussi, comme c’était le cas pour la commission
suspendue, prévoir un examen et une analyse des répercussions environnementales
du projet de pipeline Énergie Est qui tiennent compte des (16) principes énoncés à
l’article 6 de la Loi sur le
développement durable, lesquels doivent orienter les actions du
gouvernement du Québec.
Bien des experts qui se sont présentés devant la Commission dite
« générique » se sont déjà penchés sur les aspects scientifiques et
techniques de la question, et ont décrit les mesures qui devraient être prises
pour assurer la fiabilité du projet. Tous ont souligné que le risque zéro
n’existe pas, mais qu’une gestion responsable permettrait de réduire les
risques au minimum. Et, dans la mesure où l’on ne considère que les aspects techniques
de la question et que les solutions proposées sont scrupuleusement mises en œuvre,
leurs arguments peuvent sans doute être valables.
Mais peu importent les arguments invoqués, il est quand même
difficile de concevoir que l’on puisse être en faveur d’un tel projet à la
lumière de toutes les données actuelles sur le réchauffement climatique et compte
tenu de l’urgence d’amorcer une transition énergétique ordonnée. Les scientifiques ont en effet clairement établi que l’exploration
et l’exploitation des réserves d’énergies fossiles difficiles d’accès, comme le
pétrole en eaux profondes ou les sources non conventionnelles, n’ont pas leur place
dans cette transition.
Pourquoi alors construire un pipeline qui permettrait à
l’industrie des sables bitumineux de tripler à terme sa production, avec les
conséquences désastreuses que l’on sait sur l’environnement et le réchauffement
climatique? Pourquoi construire un pipeline alors que cela ne peut qu’aller à
l’encontre des audacieux engagements que vient de prendre le Canada à la COP21?
Comment peut-on, en son âme et conscience, considérer sérieusement
qu’un tel projet respecte les seize grands principes de l’article 6 de la Loi sur le développement durable du
Québec?
Ce projet a-t-il « au centre de ses préoccupations »
d’améliorer « la santé et à la qualité de vie » des citoyens,
« en harmonie avec la nature »?
Est-il entrepris dans un « souci d’équité intra et intergénérationnelle
ainsi que d’éthique et de solidarité sociales »?
La protection de l’environnement fait-elle « partie
intégrante de [son] processus de développement »?
Son efficacité économique est-elle « porteuse
d’innovation et d’une prospérité économique favorable au progrès social et
respectueuse de l’environnement »?
S’inscrit-il dans une « vision concertée du
développement » élaborée avec « la participation et l’engagement des
citoyens et des groupes qui les représentent »?
Favorise-t-il l’accès au savoir de façon à « stimuler
l’innovation ainsi qu’à améliorer la sensibilisation et la participation
effective du public à la mise en œuvre du développement durable »?
Satisfait-il à l’exigence
d’une « répartition adéquate des lieux de décision […] en ayant le
souci de les rapprocher le plus possible des citoyens et des communautés
concernés »?
Favorise-t-il le « partenariat et la coopération intergouvernementale »?
Satisfait-il vraiment aux principes de prévention et de
précaution, de protection du patrimoine culturel, de préservation de la
biodiversité, de respect de la capacité de support des écosystèmes, de
production et de consommation responsables énoncés par la loi?
Ses promoteurs peuvent-ils garantir qu’ils sont en mesure
d’« assumer leur part des coûts des mesures de prévention, de réduction et
de contrôle des atteintes à la qualité de l’environnement et de la lutte contre
celles-ci »?
Peuvent-ils garantir que « la valeur des biens et des
services [fournis] reflète l’ensemble des coûts qu’ils occasionnent à la
société durant tout leur cycle de vie, de leur conception jusqu’à leur
consommation et leur disposition finale »?
Présumons que les commissaires sauront apporter des réponses
étayées à toutes ces questions.
François
Prévost
Membre du Regroupement Vigilance
Hydrocarbures Québec